Sapeurs : les dandys des ghettos
Plus colorés et excentriques que les disciples des Brummell, Montesquiou et autres d’Annunzio, les sapeurs sont un peu l’équivalent africain du dandy occidental. A cette différence fondamentale près que si la plupart des grands dandys historiques étaient riches, leurs héritiers congolais et sud-africains exercent leur art dans une pauvreté extrême.
Au-delà d’un goût commun pour les tenues recherchées, ils partagent également une exigence en terme de comportement, d’image sociale. Comme les dandys rêvaient d’instaurer une société faite de culture et de bonnes manières, les sapeurs s’imposent une attitude et un vocabulaire plus raffinés que ceux qui constituent leur quotidien. Lorsqu’ils revêtent leurs habits de lumière, une sorte de grâce les envahit et ils deviennent meilleurs. Nous sommes allés à leur rencontre.
Le mouvement sapeur est plus codifié encore que son célèbre aîné, puisqu’il est régi par un code, rédigé en Dix Commandements (voir plus loin), qui stipule notamment qu’au-delà de l’apparence, le sapeur se doit d’afficher une conduite irréprochable et élégante en termes de manières et de vocabulaire. Comme ce fut le cas du dandysme un siècle auparavant, la décision d’adhérer au mouvement ne se circonscrit pas à la seule tenue, à l’apparence, mais participe quasiment d’un choix existentiel. Et comme ce fut également le cas du dandysme du milieu à la fin du XIXème siècle, la démarche du sapeur se construit en réaction à une élite honnie : l’aristocratie pour le premier, les colons pour le second. Dans un cas comme dans l’autre une caste bénéficiant du (dans le cas des aristocraties britannique et française aux XVIIIème et XIXème siècles) ou s’étant arrogée le (dans celui des colons) pouvoir en raison de sa seule naissance, nonobstant toute considération de mérite. Voire d’élégance, s’agissant des colons belges et français, qui n’ont jamais eu celle surannée et romanesque de leurs cousins britanniques. On pourrait à partir de là se lancer dans des considérations philosophiques – voire sociologiques – infinies, des plus sérieuses aux plus farfelues (comme le mantra des sapeurs kinois : « ô Dieu de la sape, pardonne à tous ceux qui ne savent pas s’habiller »), il est plus pertinent de retenir la nature d’instrument de distinction sociale qui apparaît en filigrane de chacune d’elles, et de souligner ici la dimension socioculturelle de la sapologie, qui vise à ce que ses adeptes se sentent bien, reconnus et respectés.
A la différence de l’origine du terme dandy, au sujet duquel les exégètes se disputent toujours, celle du mot sape est connue et indiscutée : il s’agit de l’acronyme de « Société des Ambianceurs et des Personnes Elégantes ». Entendre par ambianceur l’homme qui anime et met de l’ambiance dans les soirées par ses prestations, qui peuvent aller du discours à la danse en passant par la musique. Un métier qui suppose une grande éloquence et un goût avéré pour l’ostentation : couleurs vives, bijoux voyants et gros cigares font partie de la dotation de base de ce corps d’armée, auxquels s’ajouteront durant les deux décennies à venir les cheveux peroxydés et les crêtes colorées. De fait, la sape – ou sapologie – a deux piliers : l’élégance et l’éloquence. Porter beau et le faire savoir.
Le mouvement voit le jour au Congo au début des années 20 avant de faire souche en Afrique du Sud et en France.
Brazzaville et Kinshasa : deux sapologies bien distinctes
Les puristes distinguent deux courants de sapologie : celui de Brazzaville, plutôt « dandy style » avec ses gilets, ses chapeaux et ses cannes inspirés par les colons et les grands dandys XIXème, et celui de Kinshasa de l’autre côté du fleuve Congo, plus excentrique avec ses fourrures, ses soies bariolées et son exhibitionnisme ; les sapeurs parisiens et sud-africains se situant entre les deux (dans le fleuve Congo donc ? On plaisante). Historiquement, s’il est indiscuté que Brazza a vu naître le mouvement, il est tout aussi admis que les premiers adeptes de Kinshasa l’ont très rapidement repris à leur compte. Il faut dire que les distractions ne sont pas si nombreuses sur place.
La rédaction de dix commandements fondamentaux, qui résument ses valeurs et régissent le comportement de ses adeptes, définit bientôt le cadre du mouvement :
- Premier commandement : Tu saperas sur terre avec les humains et au ciel avec ton Dieu créateur.
- Deuxième commandement : Tu materas les ngayas (non connaisseurs), les nbéndés (ignorants), les tindongos (les parleurs sans but) sur terre, sous terre, en mer et dans les cieux.
- Troisième commandement : Tu honoreras la sapologie en tout lieu.
- Quatrième commandement : Les voies de la sapologie sont impénétrables à tout sapologue ne connaissant pas la règle de trois, la trilogie des couleurs achevées et inachevées.
- Cinquième commandement : Tu ne cèderas pas.
- Sixième commandement : Tu adopteras une hygiène vestimentaire et corporelle très rigoureuse.
- Septième commandement : Tu ne seras ni tribaliste, ni nationaliste, ni raciste, ni discriminatoire.
- Huitième commandement : Tu ne seras pas violent, ni insolent.
- Neuvième commandement : Tu obéiras aux préceptes de civilité des sapologues et au respect des anciens.
- Dixième commandement : De par ta prière et tes 10 commandements, toi sapologue, tu coloniseras les peuples sapophobes.
Dont acte. Des préceptes plutôt que les règles strictes d’un règlement : sur ces bases chaque sapeur intègre le mouvement à sa manière et se définit par rapport à lui.
Société initiatique encadrée par ses coutumes, la sape est aussi un art de vivre qui permet à certains d’exprimer une personnalité plus marquée et de s’élever dans ce club informel. Ceux-là sont rapidement considérés comme les aristocrates locaux.
Qu’il s’agisse des local heroes ou des sapeurs de moindre notoriété, la plupart vivent souvent sans électricité ni eau courante. En pratiquant leur art, ils défient la pauvreté et le spleen, et peuvent s’identifier aux riches. Passion ou exutoire ?
Un peu d’Histoire
Trois théories coexistent quant aux origines de la sapologie. Pour certains elles répondraient au désir de s’habiller comme les colons, et le mouvement remonterait dans ce cas aux Années 20. Lorsque les Français colonisent le Congo, ils portent des vestes militaires, des cravates, des shorts longs et des casques coloniaux. Sacré contraste avec les Anciens qui les voient arriver habillés de pagnes !
Pour d’autres, les plus nombreux, elle remonte aux années 50 et au retour au pays d’étudiants congolais ayant terminé leurs études à Paris, qui lancèrent à Brazzaville la mode des clubs existentialistes inspirés de Saint Germain des Prés. Ces jeunes gens plus instruits que les autres étaient ostensiblement très « sapés » de marques de luxe parisiennes. A une époque où Paris était la capitale incontestée de la mode planétaire, ils ne pouvaient que s’imposer dans une société où le paraître compte bien plus que l’être.
Pour d’autres encore, la sapologie doit sa naissance à un rejet du règne autoritaire du dictateur Mobutu, qui à l’indépendance du Congo belge imposa en 1971 l’abacost (néologisme résultant de la contraction de « à bas le costume » !) : une interdiction de porter le costume et la cravate, jugés trop colonialistes. L’abacost subsistera jusqu’en 1990.
Il peut être utile de rappeler ici que depuis l’établissement du régime dictatorial du général Mobutu, en 1965, l’ex-Congo belge devenu République du Congo a été rebaptisé République du Zaïre en 1971. Une étape de plus dans une histoire déjà bien chargée.
Statutairement propriété personnelle du roi de Belgique Léopold II depuis 1885, le Congo devient une colonie en 1908 sous la pression de l’opinion internationale horrifiée par l’inhumanité et la rapacité du monarque belge, responsable de la mort de dix millions de Congolais (1) utilisés comme esclaves pour exploiter les ressources naturelles du pays. Lorsque le parlement belge est contraint de voter l’annexion du Congo en 1908, le roi regagne son pays non sans avoir rebaptisé son domaine africain le « Congo belge », et sa capitale Léopoldville – en toute modestie. S’ensuit une période d’une quarantaine d’années au cours de laquelle la Belgique tire tout le profit possible des ressources naturelles du pays (diamants, or, cuivre, cobalt et, à partir de 1945 : uranium), tandis que dans le pays la colère monte, débouchant bientôt sur les émeutes anticoloniales de 1959, réprimées dans le sang (des centaines de morts), qui déclenchent le processus vers l’indépendance. Celle-ci est proclamée le 30 juin 60, et tandis que des dizaines de milliers de Belges fuient le pays, celui-ci devenu République Démocratique du Congo (afin de le distinguer de la République du Congo, ou Congo-Brazzaville) est dirigé par le Premier ministre Patrice Lumumba. Sur fond de guerre pour les mines de diamants et sous la pression des Nations Unies et des USA, le président destitue Lumumba en 1960 et met en place Mobutu. Le ver est dans le fruit. Arrêté fin 60, Lumumba est torturé et assassiné en janvier 61. Mobutu prend le pouvoir quatre ans plus tard, proclame la 2ème république, rebaptise Léopoldville Kinshasa afin d’en finir avec le souvenir de l’époque coloniale, et promulgue son fameux abacost. Au-delà de cette mesure certes significative mais sans poids économique, la zaïrianisation de Mobutu plonge le pays dans une longue période de massacres, de répression et de guerre, qui culminera avec le génocide du Rwanda, déclenché par l’assassinat du président Hutu, qui entraîne lui-même une vague de violence aveugle contre les Tutsi, assassinés à la machette par dizaines de milliers, sans distinction d’âge ou de sexe. Passé entre les mains de Paul Kagame (prononcer kagamé), d’obédience tutsie, le pouvoir organise une répression sanglante envers la population hutue, au terme de laquelle le maréchal Mobutu est destitué après 32 ans de pouvoir absolu, et le chef rebelle Laurent-Désiré Kabila s’autoproclame président. Celui-ci pourrait ramener la paix, il choisit de s’affranchir de ses alliés pour faire main basse sur les richesses minières de l’est du pays, créant une division profonde de ce dernier et une nouvelle période guerre civile totale, marquée par d’innombrables massacres et viols de masse. Lorsque le conflit prend fin, en 2003, les associations humanitaires au premier rang desquelles l’IRC (International Rescue Commitee) estiment le nombre de morts entre 3,3 et 4,4 millions de personnes (soit une cinquantaine de fois plus que le conflit israelo-palestinien, qui monopolise les médias occidentaux sans que la conscience de ceux-ci parusse avoir été troublée par le drame du Congo). Depuis lors, avec près de 90% de sa population vivant en-dessous du seuil de pauvreté, la RDC reste l’un des pays les plus pauvres du monde, l’un des moins sûrs aussi, puisque l’ONU dénonce Kinshasa comme la « capitale mondiale du viol » (à la fréquence vertigineuse, relevée en 2011, d’environ un viol par minute !). En face de cette histoire violente marquée par les catastrophes humanitaires et les coups d’Etat, on comprendra que la sape représente un univers de résilience dans lequel le style a le pouvoir de contribuer à l’harmonie.
Quelle que soit la réalité historique, il est acquis que c’est bel et bien dans le quartier de Bacongo, à Brazzaville, que l’on enregistre la présence des premiers sapeurs, avant que la sape fasse ses premiers adeptes à Kinshasa, distante de cinq kilomètres.
Au début des années 70, se saper au Congo Brazzaville relève ainsi de la contestation et de l’insoumission, de la révolte presque – une révolte pacifique puisque la non-violence fait partie des Dix Commandements. Pourtant face à l’abacost de Mobutu, le mouvement prend de l’ampleur. Face à la censure, les sapeurs se réapproprient les codes de la vieille élégance européenne, transposés à l’exubérance de l’Afrique.
C’est également de cette époque que datent les premiers concours : lorsque l’on s’est donné la peine de s’offrir une tenue extraordinaire, la moindre des choses est de la montrer, d’où la naissance de concours organisés comme des duels, qui voient les adversaires s’affronter en terme de style mais aussi de démarche ou de danse : c’est à celui qui sera le plus beau, le plus élégant et le plus mémorable. Pour codifier ces rencontres une terminologie est mise au point : la diatance désigne la démarche, la déka l’élégance d’une marche étudiée, le démarrage l’organisation de défilés de mode. La sape accouche de ses premières vedettes.
La décennie ’70 voit également le retour à Paris des étudiants d’hier fuyant le régime Mobutu, et parmi eux d’un certain nombre de sapeurs. En quelques mois, la vitrine de la mode qu’est la capitale française adoube la sape, considérée comme une sous-culture mode à part entière, et de Paris le mouvement gagne bientôt Bruxelles : les Congolais ne sont décidément pas rancuniers. En moins de deux ans, la réalité de la sapologie a dépassé les faubourgs de Brazzaville et Kinshasa pour toucher les diasporas africaines des capitales française et belge : l’histoire est en route.
Pour exotique et légère qu’elle puisse paraître en Europe, la sape n’a cependant pas bonne presse au Congo. Les habitants restés au pays ne voient pas d’un bon œil revenir en vacances ces Parisiens jugés indécents avec leurs belles tenues coûtant plusieurs mois du salaire moyen national, alors même qu’ils retrouvent le chômage, la corruption et l’analphabétisme endogènes au Congo. Une condamnation qui ne tient pas compte de la grande précarité dans laquelle ces émigrés vivent à Paris, souvent clandestinement, ni de la manière d’exister que représente pour eux cette forme revendiquée de dandysme à l’africaine. Le gouvernement congolais en a en revanche pris la mesure, lui qui parraina, en la personne de son Premier ministre Isidore Mvouba, le défilé annuel des sapeurs, organisé sous « haute représentation gouvernementale » (sic) sur l’avenue Matsoua, véritable couloir de la mode de Brazzaville.
Engouement médiatique en France et en Belgique
Un film (Black Mic-Mac, en 1986), des expositions au musée Dapper (L’art d’être un homme, en 2010) et au Palais de Tokyo (Bord des mondes, en 2015 : la consécration), un photographe attitré (l’Espagnol Hector Mediavilla), une étude sociologique (Entre Paris et Bacongo, par Justin-Daniel Gandoulou), des pièces de théâtre (le titre le plus représentatif étant certainement Au nom du père, du fils et de JM Weston, de Julien Mabiala Bissila, qui fut jouée au théâtre du Tarmac à Paris en 2015), une exposition à la Fondation Cartier (Beauté Congo, 2015), un documentaire télé signé Ariel Wizman (Black Dandy, 2015), une émission de TV (Enquête exclusive, diffusée sur M6), une campagne de publicité Louis Vuitton (Africa Rising) : les sapeurs sont entrés de plain pied sur la scène artistique et culturelle française. A une époque de peopolisation effrenée, l’apparition de grandes figures représentatives a contribué à la notoriété du mouvement bien au-delà de la diaspora africaine.
On citera d’abord le musicien Stervos Niarcos, compositeur de titres à succès, le Pape de la sape. Ayant dû quitter le Congo à la suite de problèmes avec la police, il se distingue à Paris par ses tenues (avec une préférence marquée pour JC Jitrois), son goût de la fête (qui le voit passer ses nuits dans les boîtes africaines) et les Porsche. Lorsqu’il regagne Kinshasa en 1989, les motards de la police lui font une haie d’honneur depuis l’aéroport jusqu’au quotidien auquel il accorde une interview. Il retourne au pays deux ans plus tard précédé par la gloire d’une chanson engagée en faveur de la réunion des deux Congo : Les Etats-Unis d’Afrique. Mais le sapeur est aussi un bad guy : incarcéré pour trafic de stupéfiants, il décède en 1995 à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Le jour de sa mort (10 février) est devenu jour officiel de la Fête des Sapeurs. La sapologie lui doit d’avoir fondé la religion Kitendi (qui signifie habillement en lingala, l’un des dialectes congolais), et la postérité d’avoir été le premier à envisager la sapologie non plus comme un mouvement mais comme une religion, avec la notion de sacrifice que le terme suppose de la part de ses adeptes, pour leur qualité de vie et celle de leur famille.
Papa Wemba aura été la seconde grande icône sapeur. Chanteur, auteur-compositeur et acteur, il reste l’un des piliers de la rumba congolaise (dont Stervos Niarcos lui composa quelques succès mémorables). Sa contribution au mouvement passe par sa démarche et sa façon de parler, reprises par de nombreux adeptes, et par des saillies vestimentaires personnelles. Il est décédé sur scène à Abidjan en avril 2016. Il avait 66 ans dont 35 d’une carrière sans interruption. Rappelons également le chanteur Bounzeki, honoré par des obsèques nationales. Leurs disciples s’appellent Six S’malto, Gianni Versace (fille unique du pape Niarcos), les Léopards de la Sape ; ils vivent à Paris, à Asnières, à Brazzaville ou à Kinshasa.
Le sapeur se doit d’afficher une conduite irréprochable et élégante en termes de manières et de vocabulaire. La décision d’adhérer au mouvement ne se circonscrit pas à la seule tenue, à l’apparence, mais participe d’un choix existentiel.
________________________________________________________________________________________________________________Les concours de sape
Ils sont nés autour du fleuve Congo et permettent aux sapeurs de se confronter au cours de joutes bruyantes et colorées et à grand renfort de watts et de projections de photos et de vidéos. Must du genre : les sape battles opposant sapeurs des deux capitales congolaises : Brazzaville et Kinshasa. Spectacle garanti, l’honneur est en jeu !
Sur le lieu du concours (dans une salle ou dans la rue) un public enthousiaste (souvent plusieurs centaines de personnes, indifféremment Blancs et Noirs, jeunes et vieux, tradi, classiques ou sapeurs) soutient les protagonistes, dont l’objectif est de faire la démonstration de leur maîtrise du style. Ici du tissu de la veste au cuir des chaussures en passant par le nœud de cravate et les accessoires, tout est scruté, détaillé, commenté. Les connaisseurs sont aussi dans le public. L’important est « d’avoir du style ». Dans les haut-parleurs surchauffés, les animateurs, qui connaissent leur code de la sape sur le bout des doigts, chauffent le public et entretiennent savamment l’atmosphère. Le spectacle commence souvent par une incantation du genre « Dieu, pardonne à ceux qui ne savent pas que la sape est une religion »… Et puis il y a les défilés, aujourd’hui circonscrits aux événements privés, comme les mariages ou les enterrements.
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En Afrique du Sud : les Swankas
Ce sont les cousins germains des sapeurs congolais. Se réclamant eux aussi de la Société des Ambianceurs et des Personnes Elégantes, les swankas sont les sapeurs d’Afrique du Sud. Ils sont ouvriers zoulous, chauffeurs de taxi, étudiants ou vendeurs de poules. Eux aussi osent des tenues typées, oscillant entre le style néocolonial tendance Brazzaville et celui plus ostentatoire ascendant Kinshasa. Eux aussi se retrouvent le samedi soir au cours de joutes organisées dans des cours ou des sous-sols d’immeubles, récompensant l’élégance, l’originalité et l’audace. Ils ne manquent ni de l’une ni de l’autre. Comme son alter-ego congolais, le mouvement est né dans une période difficile : en plein apartheid, lorsque des propriétaires zoulous décident de défier le pouvoir afrikaner en organisant des concours de mode pendant lesquels ils s’approprient les canons de l’élégance occidentale la plus extrême. Pour l’anecdote, le terme swanka est dérivé de l’anglais swank, qui signifie « en mettre plein la vue ». Tout est dit.